mercredi 9 septembre 2009

OPÉRATION RHÔNE 2009

Vue du chantier Rhône 2009 depuis les quais © 2ASM, Benali et Landmann


Dans le cadre de son rôle de support de fouilles archéologiques, l’association 2ASM a contribué à mettre en place cinq chantiers de fouilles en 2009 qui étaient dirigés par l’archéologue Luc Long, conservateur en chef du patrimoine au DRASSM (Ministère de la Culture).
La première de ces opérations s’est déroulée en Camargue, au large des Saintes-Maries-de-la-Mer (Région Provence Alpes Côte d’Azur).
La deuxième mission, la plus importante et la plus lourde à la fois, poursuivait la fouille programmée du Rhône à Arles dans le secteur où a été découvert le portrait de Jules César (zone 5 et 6).
La troisième opération consistait en divers sondages tout le long de la rive droite du fleuve. La quatrième fouille était également basée en rive droite du Rhône à Arles, mais se situait en amont du pont de Trinquetaille. Il s’agissait d’une prospection et de sondages.
La dernière mission, enfin, s’est déroulée dans la région Languedoc-Roussillon, toujours dans le lit du fleuve Rhône, au niveau de Beaucaire.
2ASM © Benali et Landmann

FOUILLE PROGRAMMEE DU RHÔNE A ARLES et prospection complementaire
En dépit des mauvaises conditions de travail habituelles dans le plus puissant des fleuves européens, les fouilles menées par le DRASSM et 2ASM à Arles dans le Rhône (rive droite) ont livré de nouvelles découvertes qui, après le portrait de César en 2007 et toute une série de pièces de sculptures et d’architecture, confirment l’importance du patrimoine fluvial arlésien et la nécessité pour le DRASSM de poursuivre cette mission largement médiatisée qui valorise en outre son travail par une exposition en cours d’intérêt national « César, le Rhône pour Mémoire » (MDAA, Arles), dans un secteur livré au pillage et aux travaux destructeurs du SYMADREM et de la CNR.

La fouille en 2009, initiée et conduite depuis 20 ans par Luc Long (DRASSM), s’est déroulée cette année du 20 juillet au 10 octobre. Elle s’est terminée à la veille de l’inauguration de la grande exposition du Rhône au MDAA. En accord avec le Ministère de la Culture, les nouvelles découvertes ont été dévoilées en fin de chantier lors d’une conférence de presse sur le chantier de fouille où étaient représentés le DRASSM, le Musée d’Arles et la Municipalité d’Arles.
Comme en 2007 et 2008, la fouille a été de nouveau suivie par une équipe du magazine « Des Racines et des Ailes » dont le reportage sera diffusé fin 2010 ou début 2011 (regroupant les enquêtes et les résultats des missions 2009-2010). Une émission précédente, de 90 minutes,  regroupant les résultats des missions 2007-2008-2009, a déjà été diffusée à 20 h 30, le 7 janvier 2009 et regardée par 5 millions de téléspectateurs.
Avec un budget global de l’ordre de 140 000 € pour les 3 opérations du Rhône (incluant Arles et Beaucaire) et celle du littoral camarguais, la mission 2009 a reçu l’aide financière du Ministère de la Culture (58 000 € au total), du CG13, du Conseil régional PACA, de la maison de production Eclectic, et le soutient moral et logistique de l’association 2ASM, du SDIS 13 (avec mise à disposition de deux pompiers plongeurs), de la SMR (Société Méditerranéenne de Remorquage), du SYMADREM, de la Municipalité d’Arles et de la CNR (Compagnie Nationale du Rhône). Le chantier qui a compté 25 personnes dont 16 sous contrat avait pour support le navire Brézéhan (16 m de long), la plate-forme Neptune (20 m de long), la barge Mylène 3 (10 m de long) et le zodiac Tounga (DRASSM). La seule personne engagée par le DRASSM dans ces opérations était M. Luc Long.
On rappellera néanmoins ici que, compte tenu des problèmes de financement du DRASSM, le budget de la fouille du Rhône accordé par le Ministère de la Culture a été diminué de moitié depuis 2006 (48 000 € en 2009). Cependant, dans le même temps les découvertes et l’engouement du public pour cette opération n’ont jamais été aussi importants au vu de résultats scientifiques hors norme et de ses retombées médiatiques (cf communiqué 2009 de M. Frédéric Mitterrand, Ministre de la Culture, et communiqué 2008 de son prédécesseur, Mme Christine Albanel).

La fouille programmée des zones 5 et 6 ou fut découvert le portrait de César et les prospections alentour, en rive droite du fleuve, ont permis à travers une très difficile étude stratigraphique de dater et de mieux appréhender l’organisation du très complexe dépotoir urbain dans lequel furent mis au jour, ces dernières années, de véritables chefs-d’œuvre. L’hypothèse la plus sûre aujourd’hui met en avant des aménagements de berge à l’issue des destructions du quartier à la fin du IIIème siècle de notre ère. Un lien évident relie les vestiges lapidaires aux deux épaves Arles-Rhône 7 et 8, détruites au cours de ces mêmes évènements, qui appartiennent vraisemblablement à la corporation batelière des Lenunclarii attestée désormais par une dédicace sur la statue de Neptune et sur un autel à sacrifice, découvert à proximité.
Par ailleurs, le soutien du navire hydrographique Frédéric Mistral (CNR) en 2009, en étroite collaboration avec le DRASSM et 2ASM (le cartographe de la mission : Laurent Masselin est engagé par 2ASM), a permis de dresser une cartographie bathymétrique 3D précise du lit du Rhône sur laquelle tous les objets découverts, y compris ceux des années précédentes, sont reportés avec une précision de l’ordre du centimètre. Cette lecture globale et cette meilleure vue d’ensemble des découvertes faites le long de la rive droite donne plus de cohérence désormais et de perspicacité à la lecture et à l’interprétation scientifique des vestiges sur des sites aussi complexes que les dépotoirs portuaire et urbain du Rhône à Arles.
En outre, l’aboutissement de cette cartographie et le recensement précis des vestiges permettent de conseiller au mieux les travaux d’aménagement des berges entrepris par le SYMADREM (curage et fonçage de palplanches en rive droite) et de parer ainsi au mieux à la destruction des sites archéologiques.
En 2009, parmi le mobilier et les éléments d’exception, on note la découverte de deux nouvelles épaves romaines, dont une petite embarcation complète, très bien conservée, de 6 m de long (Arles-Rhône 15), ainsi qu’une très grande quantité d’objets antiques répertoriés tout le long de la berge, sur plus de 500 m de long, jusqu’à une profondeur de 15 m.
Il s’agit d’abord d’amphores et de céramiques relatives au commerce, mais également de très beaux éléments de statuaire et d’architecture qui renvoient, comme les précédents, à une rive monumentale et richement décorée, jusque-là ignorée par les historiens et les spécialistes d’Arles. On signalera ici une nouvelle prouesse, comme on l’a vu précédemment pour la base de poteau en calcaire provenant des Saintes-Maries-de-la-Mer : en effet, certains des objets de sculpture et d’architecture du Rhône, en 2009, ont pu être nettoyés et étudiés à temps, durant la mission, afin d’être inclus et présentés à la fois dans l’exposition sur César et dans son catalogue.
2ASM © Benali et Landmann


Parmi les objets les plus importants on compte en particulier d’une très belle tête du dieu Mars, coiffée d’un casque corinthien (marbre fin d’Italie, hauteur 37 cm), de grandeur naturelle, qui constitue une première à Arles. Ce type de représentation est en effet assez rare dans le monde romain et désigne peut-être la présence dans la cité d’un espace militaire important ou de la présence d’une flotte impériale.
D’autres fragments de statues ont été recensés, c’est le cas d’une tête barbue coiffée d’un bandeau, en marbre grec, peut-être celle d’un Neptune, d’un Jupiter, d’un prêtre ou d’un poète, mais aussi d’une tête de « romain inconnu » en calcaire (hauteur 40 cm), aux traits physionomiques appuyés, très bel exemple de la statuaire régionale représentant sans doute un important magistrat de la cité.
2ASM © Benali et Landmann


On compte également un très beau togatus, statue de personnage drapé dans sa toge aux magnifiques plis sculptés dans le calcaire local, conservé sur plus d’un mètre de haut, qui devaient mesurer à l’origine près de deux mètres et se dressait sur une place publique ou dans un mausolée.


Togatus en calcaire, 2ASM © Benali et Landmann



Plusieurs mains de divinités en marbre, tenant un attribut (trident, lance, ou miroir) se rattachent à des effigies religieuses représentant Mars, Neptune ou plus simplement Vénus. Un corps drapé d’une très élégante divinité de marbre, brisée au niveau de la taille et conservé sur plus de 70 cm de haut ; il appartient sans doute encore à une Vénus ou à une nymphe. Parmi les pièces toutes aussi importantes, on note une petite base représentant une scène de mariage (anakalypteria), qui devait supporter une statuette de Vénus ; une statue d’Hercule Epitrapezion, assis sur la dépouille du lion de Némée (cassée au niveau de la taille), un autel votif ; une base de statue dédiée à Minerve ; un fragment de cuisse d’un Apollon Lycien, une petite tête de Vénus en marbre et divers autres fragments décorés, en calcaire ou en marbre, qui se rattachent à des personnages historiques ou mythologiques. Ainsi, une ébauche d’une statue en marbre, peut-être une Vénus anadiomène, en cours de fabrication, permet d’attester désormais pour la première fois la présence d’ateliers de sculpture locale dans la cité d’Arles.
2ASM © Benali et Landmann

Avec la statuaire, les plongées dans le Rhône en 2009 ont permis de découvrir une trentaine de pièces d’architecture imposante. Il s’agit de nombreux fûts de colonne cannelée, en marbre et en calcaire, de près de 80 cm de diamètre, d’un élément de siège en marbre, d’un très beau chapiteau corinthien en marbre, des fragments de nombreux autres chapiteaux et notamment un chapiteau d’angle en calcaire local dont le module est bien plus important que celui de la maison carrée de Nîmes.
Ces éléments de statue et d’architecture confirment le caractère monumental de la rive droite du Rhône à Arles à laquelle on ne prêtait jusque-là que de timides implantations (villae privées, installations artisanales, nécropoles et cour à portique). Il semble en effet que cette rive a abrité très tôt, dès sa fondation par Jules César en 46 avant J.-C., un immense secteur portuaire qui donnera rapidement naissance à un ensemble d’édifices monumentaux dont le Rhône a conservé quelques traces. Ces constructions qui devaient dépasser pour certaines 20 m de haut se rattachent au domaine politique, religieux, funéraire, portuaire et privé. Cette rive constituait sans doute sur le fleuve, face au centre historique de la colonie, un nouvel espace ostentatoire sur lequel les riches arlésiens affichaient à la fois leur fortune, la grandeur de Rome et celle de la jeune cité arlésienne, fille de César et de la VIème légion. Ces découvertes donnent désormais plus de sens aux sources antiques, notamment le texte du poète Ausone, qui au milieu du IVème siècle après J.-C. évoque une duplex Arelate, soit une ville double, établie sur les deux rives.
Le Rhône sert en même temps de réceptacle à des petits objets de la vie quotidienne et a restitué encore en 2009 des monnaies, des bagues, des semelles de chaussure, des ustensiles et des vases en bronze, ainsi que des bijoux perdus ou abandonnés par les citoyens romains qui fréquentaient les berges.
Enfin, les prospections immédiatement en aval et en amont du pont de Trinquetaille ont mis au jour plusieurs franchissements de canalisations en plomb sous fluviales, dont certaines sont estampillées. Outre le fait que l’on retrouve pour la première fois en France des canalisations sous fluviales en place, ces vestiges apportent des données d’une importance capitale sur l’organisation et la gestion de l’eau dans la cité d’Arles, et au delà, sur la présence pérenne d’un pont de bateaux à cet endroit, nécessaire pour la mise en place et l’installation de ces lourdes canalisations.
Les fouilles se poursuivront en 2010 avec le concours du DRASSM, du SRA-PACA (Service  Régional d’Archéologie) et du MDAA qui prend en charge depuis l’origine le traitement, la restauration et la mise en dépôt ou en exposition de tous les vestiges du Rhône et de Camargue